4 février 2008
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17:19
Cet après-midi, le Parlement est convoqué en Congrès à Versailles pour modifier la Constitution et autoriser la ratification (qui aura lieu la semaine prochaine à l'Assemblée) du Traité de Lisbonne. Honnêtement, la position des socialistes n'est pas simple à expliquer : la position sur le Traité est claire, le Parti Socialiste approuve le traité, et le votera dans l'hémicycle de l'Assemblée. Mais pour ce qui est de la modification constitutionnelle la ligne officielle, la position, c'est de s'abstenir.
Cela n'a pas de sens !
Car enfin, je crois qu'en politique, il faut être clair et si l'on veut être compris, savoir être lisible. Or, qui peut comprendre qu'on vote oui dans trois jours, et qu'on s'abstienne cet après-midi ?
C'est qu'en fait, il y a le fond (le Traité de Lisbonne) et la forme (le mode de son adoption).
Sur le Traité, comme socialiste, ma position est celle de mon parti. Je l'approuve. Pourquoi ?
Ce Traité constitue un progrès utile, mais limité.
Il est un progrès, parce qu'il contient les dispositions institutionnelles nécessaires pour faire avancer l'Europe élargie. Il dote – enfin – l'Union d'institutions rénovées et apporte même quelques avancées démocratiques : un président du Conseil européen stable, un rôle des Parlements nationaux affirmé, un président de la Commission reflétant la couleur politique majoritaire issue des élections européennes, un haut représentant pour les affaires étrangères, une référence à la Charte des droits fondamentaux. Ce traité a donc un mérite incontestable : il sort l'Europe à 27 de l'ornière, il lui permet de mieux décider, il constitue la boîte à outil, le règlement intérieur, qui permettra la relance dans un second temps de l'Union.
Mais ce progrès est limité, parce que le Traité de Lisbonne n'est rien de plus que cela, il ne marque pas de progrès significatif de l'Europe économique et sociale, il ne modifie pas le système de vote pour les questions fiscales et sociales, il n'équilibre pas le pouvoir de la Banque centrale européenne, il n'ouvre pas de nouveaux champs de compétences même si deux bases juridiques en matière d'énergie et de lutte contre le changement climatique sont introduites. Bref, il n'est pas le Traité que nous aurions voulu avoir, mais il ouvre une porte, il dessine des possibilités, il ébauche des potentialités. Alors, par pragmatisme, et surtout parce que nous voulons que l'Europe avance, qu'elle retrouve son dynamisme, la majorité des membres du Parti socialiste l'ont effectivement approuvé.
Reste la question de son mode de ratification. Faut-il un référendum ? Bien sûr, le rejet du référendum de 2005 crée un précédent sur un sujet comparable, et il peut être juridiquement, et surtout politiquement plaidable de recourir à un nouveau référendum. Je peux le comprendre. C'est la position majoritaire du parti socialiste.
N'empêche que pour ma part, depuis mes études d'histoire et de droit constitutionnel, je n'aime pas les référendums. Depuis le 2 décembre 1851 et la prise de pouvoir légale – par référendum – de Louis-Napoléon Bonaparte, et les usages plébiscitaires gaulliens du référendum, je n'aime pas ce mode d'expression. Il caricature la réalité, la résume à un choix binaire, et surtout, il est de tentation plébiscitaire, tant et si bien… que le plus souvent on s'y exprime sans toujours répondre à la question réellement posée, mais bien souvent par rapport au responsable politique (président ou gouvernement) qui la pose.
Alors cette fois, que faire ? Le Président de la République a choisi de recourir à la ratification parlementaire. Dont acte.
Le Parti socialiste, que tout le monde sait très partagé entre les "oui" (majoritaires) et les "non" au traité européen, choisit une position qu'il estime médiane (pensant qu'elle va regrouper la totalité, ou au moins une très large majorité, des groupes parlementaires de l'Assemblée et du Sénat), et donc décide de s'abstenir !
Si j'étais certain que chacun soit discipliné, j'aurai suivi cette consigne… même si je l'estime illisible. Je pense, au fond de moi, que le Parti aurait mieux fait de prendre acte de sa division en deux camps (qui sont deux approches du traité européen), et de laisser la liberté de vote. Bon, on n'en est pas là, on dit qu'on va s'abstenir !
Sauf que, dans les réunions préparatoires, dans la presse, dans les couloirs, cela se confirme : ceux qui sont contre le traité, vont aussi voter non à la révision de la constitution ! Et alors, pourquoi ceux qui sont pour le traité ne pourraient pas cet après-midi voter oui ?
Poser la question, c'est y répondre. Je suis dans l'hémicycle du Congrès à côté de cette grande voix de la gauche qu'est Robert Badinter. Je le questionne. Sa réponse fuse : sans état d'âme, il votera oui.
J'ai voté oui.
Par souci de cohérence et de clarté. Parce que la politique, ce ne sont pas des postures auxquelles personne ne comprend rien, mais la clarté des choix.