« Pas de quoi pavoiser », écrit en effet Le Monde d’aujourd’hui.
C’est vrai, le vote sur la révision constitutionnelle de ce lundi 21 au Congrès de Versailles n’est bon pour personne.
Il ne l’est assurément pas pour la Gauche, qui n’a pas réussi à préserver son unité. L’arbre Jack Lang (qui a au moins le mérite d’avoir toujours dit qu’il était favorable à cette réforme, puisqu’il avait été le vice-président de la commission qui en est à l’origine) ne doit pas cacher la forêt des dizaines de voix de gauche qui ont voté avec la droite, pour des raisons qui ne sont pas toujours glorieuses.
Jack fait de ce point de vue, un bouc émissaire commode mais la posture de bon nombre de députés et sénateurs radicaux de gauche (ils auront été 17 à voter pour la réforme) interpelle, surtout après les informations qui, ça et là, filtrent sur des marchandages plus ou moins discrets.
J’ai de l’amitié pour beaucoup d’entre eux. Mais, à aucun moment, dans aucune réunion du groupe SRC (socialistes, radicaux et citoyens) dont ils sont membres – et encore la semaine précédent le scrutin – ils n’ont émis la moindre réserve sur le vote négatif du groupe ni sur leurs envies de voter positivement. C’est clair, cela crée un malaise, et il était temps que la session s’arrête.
Mais le résultat n’est pas non plus bon pour la Droite, même si la majorité relative nécessaire est atteinte. Car les méthodes employées laissent un goût amer à beaucoup d’élus. Un de mes voisins d’hémicycle, sénateur centriste, m’a dit avoir eu 3 fois au téléphone ce dimanche Nicolas Sarkozy (pourtant en week-end alors à Marrakech) pour lui demander de voter oui… Il se sera finalement abstenu !
Les débauchages, les pressions, les menaces notamment avec le prochain redécoupage électoral, ont eu lieu tous azimuts. Le téléphone a chauffé, et on l’a compris la semaine suivante avec les annonces de la carte militaire, l’impartialité de l’Etat a été plus qu’écornée. Et tout cela pour un résultat bien maigre : une voix de majorité. Là aussi, cela laissera des traces.
Dans l’absolu, tout cela n’est pas glorieux. Certes, le Président peut avoir le sourire aux lèvres. Il voulait sa réforme de la Constitution, il l’a eue… comme tous les défis qu’il paraît se lancer, moins pour le fond que pour la forme, et pouvoir ainsi dire, pour paraphraser Pierre Dac et Francis Blanche : « Il peut le faire ! ».
Sauf que sur le fond, c’est moins drôle que les affirmations de Francis Blanche.
Car que retiendra-t-on de cette réforme constitutionnelle ? Qu’elle a été adoptée au cœur de l’été, à marche forcée, par un pouvoir pressé de la faire adopter avant les élections sénatoriales de septembre.4
Qu’elle a été votée par des débauchages individuels et des manipulations qui n’honorent pas la démocratie, ni l’appréciation qu’ont nos concitoyens de leurs institutions et responsables politiques.
Qu’elle consacre plus que jamais, comme l’écrit Robert Badinter, une monocratie présidentielle, la prééminence du pouvoir d’un seul homme.
Dommage en fait, vraiment dommage. Je crois que tant les travaux de la commission présidée par Edouard Balladur (qui dissimule à peine son amertume) que notre démocratie méritaient mieux que cette révision-là, et surtout que ce vote-là !