Ce matin, tôt, je suis dans la cour d’honneur des Invalides où la République rend un hommage solennel à Pierre Mauroy, ancien Premier ministre.
Députés et sénateurs, anciens ministres, élus de Lille et de la Communauté sont alignés sur un côté de la cour, tandis que les membres du Gouvernement s’installent devant nous, derrière le Président de la République, et aux côtés de Gilberte Mauroy, de son fils Fabien et des petits-enfants.
Le protocole est bien réglé : arrivée du Président, passage des troupes en revue, arrivée du cercueil, discours du Président, départ du cercueil, hommages au drapeau.
Après La Marseillaise, le silence se fige. L’émotion est forte, et j’ai la gorge nouée lorsque se mettent à résonner les coups de tambour, lents et répétés, qui saccadent lugubrement l’arrivée du cercueil, drapé d’un large drapeau bleu-blanc-rouge et porté par des gardes républicains. Quand ils le déposent au milieu de la cour, c’est un instant d’éternité ! Un rapide regard sur ma droite, où à deux mètres se trouvent Bernard Roman et Bruno Le Roux, mes copains du cabinet Mauroy : je sais, je sens, ce qu’ils ressentent…
J’apprécie les paroles du Président : « Peu d’hommes, même éminents, peuvent s’enorgueillir d’avoir fait l’histoire de leur pays. Pierre Mauroy est incontestablement de ceux-là » !
François Hollande a raison de souligner le «destin exceptionnel » d’«un enfant du peuple ». Le socialisme dont « il a embrassé très tôt la cause » et dont « il en épousera tous les rôles ». Sa terre, le Nord, Lille qu’il modernisa, transforma, tourna vers l’Europe. Les conquêtes sociales, les choix essentiels de 1983 dont nous sommes « les héritiers ». Et puis surtout le véritable héritage politique de Pierre Mauroy : « le choix du réformisme ».
Pour lui, en effet « réformer, ce n’était pas renoncer, c’était réussir. Réformer, c’était se défaire de l’illusion des mots pour passer à la vérité des actes », comme le dit tout à fait pertinemment le Président de la République, qui dénote ainsi, en creux, combien la pensée de Pierre Mauroy reste d’actualité dans la France de 2013. Lui qui fut « une belle leçon politique » car il « nous montre que l’on peut avoir le sens des responsabilités et conserver son idéal, que l’on peut porter la modernité et préserver son authenticité, que l’on peut exercer les plus hautes fonctions et rester un militant ».
Et de conclure « Pierre Mauroy aimait les gens et les gens l’aimaient ». C’est si vrai…
Après cet hommage, le cercueil est emmené en dehors de la cour, suivi par la famille et le Président de la République. L’émotion est terriblement forte de le voir s’éloigner. La cérémonie, sobre et digne, se termine.
Derrière le Gouvernement qui se dirige vers la sortie, je sors en devisant avec Lionel Jospin et je salue le Président de la République, François Hollande, à la porte de la cour d’honneur.
Mais juste à ses côtés, Gilberte Mauroy, à qui je veux dire quelques mots de réconfort, me reconnaît, me prend les mains et me remercie avec insistance de ce que j’ai dit sur Pierre dans l’émission de Wéo car elle l’a regardée. Je suis troublé et tellement ému… Et fier d’avoir croisé la route de cet homme-là…