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  • : Blog de dominique Baert
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2 juin 2008 1 02 /06 /juin /2008 19:51

Ce lundi après-midi, après plusieurs reports, le Projet de Loi de Modernisation de l'Economie est présenté à l'Assemblée nationale à la séance de l'après-midi. Sa discussion se prolongera sur les jours et, vraisemblablement, les semaines qui viennent.

 

Etre de l'opposition n'empêche pas de prendre acte que dans ce texte, un certain nombre de dispositions techniques sont utiles ; à tout le moins, elles peuvent l'être au fonctionnement de l'économie. Je pense en particulier à ce qui concerne la création et le développement des PME, notamment la réduction des délais de paiement, les Fonds d'Investissement de Proximité ou la reprise et transmission d'entreprises. D'autres sont en revanche critiquables, telles que la construction du statut de l'auto-entrepreneur, les manipulations des effets de seuil ou la libéralisation effrénée de la grande distribution dont on a un peu l'impression qu'elle est fabriquée spécifiquement pour certaines enseignes, je n'ose dire amies, mais se vantant d'avoir joué un rôle décisif dans l'élaboration de ce texte.

 

Bien d'autres orateurs auront à, la tribune de l'Assemblée, pointé les risques que porte ce Projet de Loi qui, sous couvert de Modernisation énoncée de l'économie, va en réalité profondément bousculer des équilibres délicats et déstructurer certains circuits de fonctionnement de notre économie.

 

Ce Projet de Loi est à mes yeux insuffisant, dangereux et risqué :

 

-         ce texte est insuffisant pour aider à la création d'entreprises et à la mobilisation des entrepreneurs individuels. Certes, il crée le statut de l'auto-entrepreneur, mais il fait trop l'impasse sur la micro-entreprise et sur la microfinance.

 

Qui peut nier que l'attractivité du régime de la micro-entreprise puisse être encore améliorée en relevant ses seuils (qui n'ont pas été revus depuis 1990), en baissant les taux de cotisations et en augmentant les abattements forfaitaires ? Plutôt que d'améliorer ce qui existe, le Gouvernement a fait le choix de créer encore un nouveau statut ! Est-ce cela la simplification administrative ?

 

Quant à la microfinance, et au micro-crédit, si fondamental pour la création par les demandeurs d'emploi de leur propre emploi, les modifications techniques, fussent-elles utiles de l'article 20 (à savoir l'élargissement des prêts aux fondations et l'accès des organismes prêteurs aux fichiers de la Banque de France), ne doivent pas faire illusion ! L'ancien Président de la République avait réuni les banques pour développer le micro-crédit, avait créé l'Observatoire de la Microfinance, et mis en place le Fonds de Cohésion Sociale. C'était peu, mais ça avait au moins le mérite d'exister ! Depuis un an, tout cela est en panne, pas un mot du nouveau Président, pas l'ombre d'une moindre ambition ! Là encore, pourquoi dans ce texte ne pas mobiliser les réseaux bancaires, faire du micro-crédit social et professionnel une grande cause nationale ? C'est d'un véritable service public de crédit social dont notre pays et sa population modeste ont besoin. De cela, vous ne dites rien !

 

Insuffisance donc de ce texte !

 

-          ce Projet de Loi est aussi dangereux, notamment quand il banalise le livret A, avec un niveau de garantie à mon sens très insuffisant. Jean-Pierre Balligand a fort bien décrit bon nombre des dangers potentiels. Avec cette banalisation, c'est tout un édifice financier dont on sape les fondations ; on met à mal tout un circuit de financement, qui a fait les preuves de son efficacité, son ancienneté en atteste !

 

Les détenteurs de livrets les plus consistants seront démarchés, inexorablement tentés par les sirènes alléchantes d'établissements qui rêvaient, depuis des années, de mettre la main sur leur capacité de placement, et il ne faudra pas longtemps avant que leur soient proposés d'autres produits d'épargne a priori plus rémunérateurs. Et le danger, c'est de créer une "fuite" dans le circuit de financement du logement social, qui a pourtant tant besoin de stabilité et de ressources !

 

-         et c'est là, aussi que ce texte devient porteur de risques, des risques de puissants déséquilibres pour les établissements jusqu'alors distributeurs exclusifs de livrets à épargne réglementée. Ce sera vrai pour le Crédit Mutuel. Cela le sera bien davantage encore pour le réseau des Caisses d'Epargne, dont on aurait tort de croire qu'il est un colosse alors qu'il conserve des pieds sinon d'argile, au moins une assise encore fragilisable, sinon fragile. L'annonce récente de 4400 suppressions d'emploi risque de n'être qu'un début des révisions stratégiques de ce réseau.

 

Mais le risque majeur est pour la Banque Postale. Qui peut ne pas voir qu'elle va perdre sa clientèle la plus rémunératrice, et conserver, elle, elle largement, sinon elle seule, une mission d'accessibilité bancaire coûteuse, très coûteuse, bien davantage, je le crains, que les compensations financières que ce texte et les discours du Gouvernement ne le prévoient ?

 

Le Gouvernement lui demande de prendre son envol, mais en lui rognant les ailes ! Je crains que s'il n'y a pas une prise de conscience rapide, la Banque Postale risque bien davantage de rester dans la cour de la ferme, plutôt que de s'envoler vers la cour des grands au service de l'activité bancaire et du financement des besoins sociaux et économiques du pays ! A elle les charges, à d'autres les profits !

 

 

Est-ce cela la modernisation de l'économie que le Gouvernement veut dessiner ? A dire vrai, le texte n'est rien d'autre qu'une nouvelle tentative de garder nationalisés les coûts et de privatiser les bénéfices !

 

Voilà pourquoi ce Projet de Loi doit être corrigé. Moderniser l'économie, cela ne signifie pas déstructurer ce qui fonctionne bien pour ouvrir les portes de l'aventure de la rentabilisation ! Car alors, il ne faut pas s'étonner que ceux qui ont beaucoup auront encore davantage, et que ceux qui ont peu seront encore davantage marginalisés. C'est ce qui risque de se faire, et ce n'est pas acceptable !

 

C'est ce que j'ai dit, cette nuit (à 0h50 !), à la tribune de l'Assemblée, lors de la discussion générale de ce Projet de Loi.

 

 

 

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